Nous étions six à bord.
Les deux pilotes, deux techniciens de forage, Monsieur De Villière et moi-même. Le reste du chargement de l'hélicoptère consistait en une tonne et demi de matériel et de vivres.
La carcasse du Sikorsky vibrait au rythme du rotor et des bourrasques de vent qui le bousculaient.
Je m'agrippais ainsi régulièrement à mon siège, moi qui n'avais eu que notre vol à destination d'Oslo, il y a trois jours, en guise de baptême de l'air...
Mon angoisse amusait De Villière. Stoïque, droit comme un i, les mains posées sur le pommeau d'argent de sa canne, sa parka à bandes fluo ouverte sur un costume griffé, il m'observait de ses petits yeux rouges, esquissant par instant un sourire narquois. Son albinisme, cette peau trop claire marquant exagérément la moindre expositions aux éléments, ses cheveux blancs lui donnaient l'air d'un vieillard malgré ses 42 ans. Fringuant, mais vieux.
D'autant qu'il fallait ajouter cette canne qui ne le quittait plus depuis quelques années. Une mauvaise chute lors d'une expédition en montagne, la jambe gauche broyée, et trop de temps mis à redescendre jusqu'à un hôpital digne de ce nom...
Cela faisait maintenant deux semaines que je travaillais pour lui. Quand j'avais annoncé à mes professeurs que je quittais la fac de biologie pour entrer à son service, ils avaient été étonnés, mais avait également bien ri. Si François De Villière était pour beaucoup une référence en matière de zoologie, d'étude et de recherche d'espèces nouvelles, beaucoup voyaient aussi en lui un illuminé, un rentier qui dilapidait sa fortune familiale à courir après des chimères appelées Yétis, Chupacabras et autre Dahus.
La cryptozoologie, voilà quelle était sa spécialité, voilà dans quel domaine j'allais me spécialiser auprès de lui.
"We're there in five minutes" hurla un des pilotes en notre direction avant d'annoncer notre arrivée, cette fois sur le ton de la conversation, par radio.
Je me penchai pour regarder au travers du cockpit. Malgré la purée de pois, on distinguait la ligne d'horizon, séparant le ciel de l'océan et, sur celle-ci, un amas de point lumineux jaunes et rouges.
Notre destination.
La plate-forme pétrolière Odysseus 3.