jeudi 15 mai 2014

Le Chemin de la Vallée inondée [Diane]

Le Chemin de la Vallée inondée

« J’ai comme la sensation que… que quelque chose s’effondre à l’intérieur de moi. »

I
      Marina Kozlov se réveilla doucement de sa sieste dans la petite chambre bleue. La lumière s’alluma progressivement, montant en intensité avec douceur, afin que ses yeux puissent s’habituer. Recouverte d’une couverture rouge, elle laissa tomber le livre sur l’histoire du 22ème siècle qu’elle était en train de lire. Elle démêla ses cheveux pour se débrancher et une fois levée, non sans vertiges, regarda dans le grand écran les rêves enregistrés qu’elle avait faits. Elle sourit en voyant des montagnes de fraises délicieuses à perte de vue. Marina se souvenait toujours de ses rêves, les images qui défilaient sur l’écran n’étaient pas une surprise pour elle.
            Elle décida d’enregistrer ce rêve en particulier, parce qu’il lui ouvrait l’appétit et qu’elle le trouvait amusant et attendrissant.
            Arrivée dans la cuisine, un androïde  avec une voix masculine lui demanda placidement si elle voulait une tasse de thé. Elle accepta en s’étirant devant la porte-fenêtre grande ouverte sur le jardin.
            - Il fait si beau aujourd’hui, cette lumière… Cela faisait longtemps.
            - Oui madame répondit l’androïde en s’occupant du thé.
            Elle le regarda un instant, lui fit un sourire qu’il ne pouvait lui renvoyer. Son visage humain de plastique étant toujours figé sur une expression de contentement intérieur qui semblait éternelle.
            - Où est John ?
            - A l’extérieur Madame.
            - Avec George ?
            - Oui Madame.

La ferme du crocodile [Nosfé]



Finalement, ce fut Abdellatif qui profita de son petit déjeuner. En échange, son compagnon de cellule lui avait cédé quelques clopes, récupérées la veille. Ça lui faisait une belle jambe, au kabyle, d'avoir des clopes, lui qui chiquait...
Melville n'avait pas faim, ou plutôt, il ne se sentait pas de manger. Il avait les tripes qui faisaient des nœuds, et comme une drôle d'angoisse qui lui serrait la gorge.
La trouille, ou un sale pressentiment. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti ça, pas depuis qu'il était ici, en tout cas. Pas depuis que sa vie se limitait à ces 9 m2 et à la promenade en rond.
Il avait la trouille... C'était peut-être à cause du rêve de cette nuit. Un sale rêve, trop réaliste, un de ceux que l'inconscient farcit de souvenirs et de regrets enfouis, histoire de bien vous secouer. Un de ceux dont on voudrait se réveiller, à toute force, mais dont on est prisonnier.
Le braquage. Fredo. Le Crocodile. L'ambulance.
Un coup sur la tôle de la porte et les claquements du verrou qu'on tourne le firent sortir de ses rêveries. Le maton présenta se tronche couperosée dans l'embrasure: «Melville. Directeur.»
Il écrasa sa cigarette.
«Qu'est-ce qu'il me veut?» demanda-t-il en se levant.
«Je veux pas te donner de faux espoirs, mais ça sent la quille.»

Soudain j'existe [Maniak]

 Lueur bleue. Grésillement.
Neige. Flash. Noir. Neige. Flash. Flash. Flash.

Soudain, j'existe.

Des murs rouges. Le velours peine à masquer la crasse. Un plafond recouvert de velours aussi. Une ampoule nue. Lumière crue.

Un homme apparaît dans mon champ de vision. Il est nu. Son sexe est en érection. Il me regarde. Il dit : « Alors c'est ça le nouveau modèle ? Elle a l'air bien. »
L'homme soulève une trappe de peau sur mon ventre et appuie trois fois sur un bouton rouge, et tourne d'un quart vers la droite un bouton noir. De la musique sort de mon corps et fait vibrer mes organes internes. Quelques notes métalliques résonnent dans l'air. Une ligne de basse surpuissante emplit la petite pièce et l'homme me pénètre. La mélodie métallique se répète en boucle. Je sens le sexe dur de l'homme à l'intérieur de moi. Les parois sensibles de mon utérus sont saturées de stimulus violents. Quelque part dans mes organes, un mécanisme que je ne comprends pas répond à ce stimulus et envoie une impulsion électrique jusqu'à ma bouche. Je gémis de plaisir.
L'homme effectue des mouvements de va-et-viens saccadés, en rythme avec la musique. A chaque fois que son sexe frotte les muqueuses de mon vagin, le même mécanisme se met en branle et me force à pousser un petit gémissement. Cela à l'air d'incommoder l'homme qui grimace. Mais je ne peux m'en empêcher. Un coup de sexe. Gémissement. Un coup de sexe. Gémissement. Un coup de sexe. Gémissement.
L'homme sort de mon vagin. Il dit : « comment on arrête ça ? ». Il trifouille les boutons au hasard. Je ne dis plus rien. Il me pénètre de nouveau. Je gémis tellement fort que ma voix couvre la musique. De la lumière sort de tout mon corps et lance des effets stroboscopiques. L'homme est atterré. Il gueule « Arrête ça ! » et trifouille de nouveau les boutons tout en continuant à enfoncer son sexe toujours plus profondément en moi. Je gémis, je me cambre, je prononce des phrases dont j'ignore le sens, je clignote de toutes les couleurs. L'homme a l'air excédé mais n'arrête pas les mouvements de va-et-viens pour autant. A chacun de mes gémissements il frappe mon visage de son poing fermé en criant « Ta gueule ! ». Le mécanisme à l’intérieur de moi réagi à ce nouveau stimulus. Des plaques rouges et violettes apparaissent sur ma peau tandis que ma bouche s'ouvre d'avantage et crie « encore ». L'homme semble de plus en plus énervé et frappe de plus en plus fort, déformant l'aspect de mon visage. Son poing heurte quelque chose de dur et de pointu sous ma peau et devient plus rouge à chaque coup. Son sexe est toujours à l'intérieur de mon vagin.