mercredi 28 mars 2012

L'Apocalypse selon le Prince Jean [Nosfé]


Le soleil filtrait au travers des rideaux, éclairant une accumulation de détritus et de papiers d'emballages qui recouvrait presque totalement la moquette couleur crème.
Son oeil s'entrouvrit au milieu des coussins et des édredons. Il se retourna dans un soupir et se rendormit. Pour se réveiller dix minutes plus tard, perdu au milieu de ce lit King Size
Il finit par pousser la couette jusqu'à ses pieds, et se leva, lentement, traversant la chambre en traînant les pieds. Ouvrant le minibar, il se rendit compte, dans un soupir, qu'il ne lui restait plus qu'une seule cannette de Red Bull. La dernière fois, il avait eu à fouiller dans une demi-douzaine de supérettes et d'épiceries avant d'en trouver; et il se voyait mal parcourir tout Paris afin de retrouver de quoi se nourrir. Quelques barres chocolatées plus tard, il avait enfilé un ensemble Adidas et une paire de basket, et, son Ipod lui crachant du David Guetta dans les oreilles, il sortit de la suite du Ritz qui lui servait de chambre.

jeudi 15 mars 2012

Porteurs d'eau [Sheriff Brackett]


     – Je vous préviens, Monsieur le Commissaire, c’est vraiment dégueulasse. Accrochez-vous !
     Seulement vêtu de coton et de lin, Dejonc escalada le perron de la fermette et écarta la lourde porte de bois écaillée. Le dallage évoquait un immense échiquier dans la pénombre des volets mi-clos.
     Victoire Malénac gisait, face contre terre, dans sa robe de nylon au motif floral, les pieds nus. Le sang au sol racontait un long parcours d’agonie sur plusieurs mètres, de l’évier jusqu’à l’entrée.
     Ce qui ressemblait à un économe à légumes oblong était grossièrement enfoncé entre ses omoplates, à côté de petites plaies béantes, stigmates d’une agression sauvage et désordonnée.
     – On peut la retourner, Monsieur le Commissaire ?
     Dejonc acquiesça d’un léger râle. Deux hommes saisirent la dame par les épaules et la firent rouler dans la mare de sang. Son visage ne ressemblait plus à rien, gonflé d’hématomes violets et d’écorchures purulentes. Sa poitrine avait également été meurtrie de plusieurs coups de lame.
     Quelque chose clochait. Comme une mouchette dans le pastis que le vieil officier irait écluser dès la fin de sa journée de boulot. Pourquoi diable avoir retourné la victime sur le ventre pour tenter de l’achever ? Elle était lourde en plus, dans les cent kilos à vue de nez. À la réflexion, à vue d’oeil, avec l’odeur fétide de sang séché dans la cuisine qui lui brûlait les narines.
     Une dizaine de cadavres de bouteilles d’eau en plastique étaient posées sur la toile cirée délavée de la table à manger. Comme beaucoup, elle avait dû souffrir de déshydratation. Un rapide tour de robinet lui permit de confirmer l’absence d’eau potable dans la maison.

mercredi 14 mars 2012

OmegAlpha [DarkCowBoy]





Chapitre 1 : L'arrivée

Au commencement, le champ de vision n'est pas suffisant pour embrasser seulement une infime partie de l'infini horizon qui s'offre à nous. Le spectacle est vertigineux, il nous submerge, dépasse notre entendement.
Le champ des possibles. L'espace-temps. L'infini.
Puis, alors que nous avançons toujours plus loin, toujours plus avant, l'horizon se réduit, d'abord imperceptiblement, les cieux et les chemins s'amenuisent peu à peu… Jusqu'à ce qu'enfin, au terme d'un très long voyage, il n'y ait plus devant nous aucune autre voie qu'un tunnel, un large tunnel, au terme duquel se fait jour une lumière qui montre le chemin, indiquant l'ultime destination.

samedi 10 mars 2012

Clic [Southeast Jones]

Texte sélectionné pour le recueil Fin(s) du Monde, aux Editions des Artistes Fous.

Fin de semaine [Southeast Jones]


– Ils vous attendent, Monsieur.
– Je sais, nous n’en sommes pas à quelques  minutes, n’est-ce pas ?
– J’ai bien peur que si, Monsieur.
– C’est donc ainsi que cela doit se terminer…
            Sur les écrans se déroulait un étrange jeu vidéo, à ceci près que ce n’était pas un jeu, c’était la fin d’un monde, peut-être même la fin du monde… en direct.
– Les Chinois viennent d’ouvrir leurs silos, les Russes ne devraient pas tarder à en faire autant.
            – Et nous ?
– Non, vous savez bien que nous ne bougerons pas, pas de cette manière, nous avons les moyens d’empêcher cela, de laisser une chance au monde.
– Aux Hommes ?
– Peut-être, nous n’en sommes pas absolument certains.
– Du moins restera-t-il quelque chose de vivant, il faudra combien de temps ?
– Une minute pour le déploiement, quatorze pour la diffusion.
– C’est rapide.
– Bien plus que les missiles, si nous faisons vite, pas un ne décollera. Les effets sont foudroyants, tout sera terminé en moins de vingt minutes.
            L’aide de camp pleurait, c’était un jeune gars d’à peine trente ans. D’ailleurs les avait-il seulement ? Il aurait pu avoir toute la vie devant lui, avait-il une femme, des enfants… Plus rien n’avait vraiment d’importance. Le président eut soudain très froid, – mon Dieu, pardonnez-nous, pensa-t-il.
Les murs de la salle étaient nus, au centre, un siège devant un simple clavier et un écran.
            - Vous avez le code ?
            Le jeune homme lui tendit une petite cassette métallique, ses mains tremblaient.
            Le président appuya sa main sur les capteurs et murmura le mot, un mot que lui seul connaissait, un mot terrible et définitif : «  ragnarök ». Un compartiment se dévoila, à côté du clavier se trouvait une petite torche à ultraviolets, il l’alluma et en balaya le fond de la cassette. Une série de chiffres apparut, il prit une profonde inspiration et commença à les encoder.
            Il dut s’y reprendre  à trois reprises.

Emancipation [Southeast Jones]


                              Texte sélectionné pour le recueil Fin(s) du Monde, aux Editions des Artistes Fous.

Contrat [Southeast Jones]

Texte sélectionné pour le recueil Fin(s) du Monde, aux Editions des Artistes Fous.

jeudi 8 mars 2012

L'odeur des légendes [Screamy]


Il était une fois, en notre belle île de la Réunion, un nègre marron nommé Anchaing et sa belle compagne Héva qui vivaient dans la peur du chasseur d'esclaves Bronchard.
Ainsi commencent toujours les récits transmis de génération en génération. Tous divergent cependant quant au sort d'Anchaing. A-t-il été tué ? Capturé ? S'est-il enfui en laissant sa famille à la merci du prédateur blanc ? S'est-il changé en oiseau rapace en tentant de sauver Héva de la mort ?
          Un gramoun connaissait un tout autre récit. On l'appelait tous Papa Cello et jamais sa verve n'était aussi inspirée que lorsqu'il avait bu sa bouteille de rhum blanc pour célébrer Noël. Et c'est par une de ces soirées où les étoiles scintillaient avec bienveillance sur nos têtes échauffées par la fête, le rhum et la joie de célébrer la naissance de Notre Seigneur que Papa Cello, nageant dans un costume de Père Noël trop grand et trop chaud, monta maladroitement sur une barrique pour mieux haranguer la foule. 
“Ecoutez ! Ecoutez ! gueula-t-il en dévoilant ses chicots noircis. En cette nuit bénie entre toutes, mi vais vous arconter listwar vré du Neg' Maron Anchaing et ce qui est arrivé por li vré !”