lundi 11 novembre 2013

Chute [Southeast Jones]

I

Où suis-je ?
C’est une question que je dois m’être posé un bon milliard de fois depuis que je suis tombé                            ici. Une heure, une semaine, ou un an, et pourquoi pas mille ? Je crains de ne plus très bien, savoir ce qu’il en est exactement, j’ai perdu la notion du temps.
D’ailleurs, suis-je vraiment ici ?
Ma perception de cet environnement pourrait être tronquée par de fausses informations. Pour autant que je sache, je suis peut-être en train de rêver.
Ou mort.
Même la seconde option me semblerait préférable, dans le cas contraire, cela signifierait que tout ceci existe.  Et cela me terrifie.
Blanc !
Rien d’autre ne peut définir ce Lieu. Autour de moi et jusqu’à l’infini, tout est blanc, désespérément blanc.
Me souvenir.
Je sens, je sais que c’est important, primordial, même. Comment suis-je arrivé ici ?
Procéder par étape.
Froid.
La chair de poule. Une réaction physiologique qui élimine a priori l’idée de la mort.
Je respire, difficilement, mais je respire et mon cœur bat beaucoup trop vite il me semble.
Soif.
Ma langue est sèche, j’ai l’impression d’avoir du sable dans la bouche et je crois que je pourrais tuer pour une gorgée d’eau.
Ce Lieu a une odeur.
Je la connais, mais je suis incapable de mettre un nom dessus. Un nettoyant quelconque, un désinfectant peut-être.
Et un goût, ce Lieu a aussi un gout. Métallique, désagréable.
Hurlement.
Le cri se répercute longuement autour de moi, l’écho semble ne jamais vouloir s’arrêter.
Il me faut quelques secondes pour réaliser que la bouche qui a poussé ce cri est la mienne.
Putain, qu’est-ce que je fous ici ?
J’ai peur !




II

Le silence à nouveau, enfin.
Et je tombe toujours. Vers où, vers quoi ?
Un visage.
Féminin.
Cheveux roux, visage fin, les yeux sont tristes, la bouche crispée. Je la connais, je sais que je la connais. Mais j’ai oublié son nom.
Sombre.
Sombre ? Plutôt gris. Du gris dans cette immensité blanche ? Loin, très loin en dessous de moi, je distingue une tache sombre. Elle est minuscule, à peine un point, mais nul doute que ce point va grossir au fur et à mesure de ma descente.
Quelque part, ce Lieu a peut-être une fin, quelle qu’elle soit.
Une manière de porte par où m’échapper.
Ou un fond.
Sur lequel je vais m’écraser.
Et mourir.
Car je ne vois pas comment je pourrais survivre à une telle chute.
Le point grandit, c’est très lent, mais il grandit. Dans un environnement normal, je ne pourrais même pas le distinguer, mais dans cette blancheur oppressante, il m’est impossible de le manquer. Le gris s’est considérablement assombri, je suis maintenant certain qu’à l’arrivée il sera noir.
Noir, mon Dieu, qu’est-ce qu’il y a en bas ?
Une voix, non, des voix.
Plutôt des murmures.
Il y a d’autres personnes ici.
Où ?
Peut-être m’observent-elles, peut-être suis-je le sujet de quelque expérience insensée ?
Peut-être, peut-être, peut-être…
Des personnes…
Des hommes ? Ou des extraterrestres, ou des démons, ou… ou quoi ?
Je ne comprends pas ce que disent ces voix, elles me semblent déformées, assourdies, comme si je les entendais au travers d’un mur.
Je ne dois plus être très loin, de point gris, la tache est devenue une tache noire de la taille d’un ballon de football. Noire, noire et menaçante.
Et si ce noir n’était pas synonyme de fin, mais symbole d’une autre chute, plus terrible encore ?
Je n’ose penser aux atrocités qui se cachent dans cet abîme que cette fois j’imagine sans fin.
Des choses innommables, prêtes à me saisir, me déchiqueter, me dévorer ad vitam aeternam.
Les voix deviennent plus claires, je ne comprends toujours pas ce qu’elles disent, mais je les sens apaisantes, bienveillantes.
Je tombe.
L’abîme m’appelle.
Je vous en supplie, qui ou quoi que vous soyez, entendez moi, aidez moi !
Arrêtez-moi, arrêtez-moi ! Arrêtez-moiiiiiiiii !

III

    Il est sauvé Docteur.
    J’ai bien cru que cette fois nous l’avions perdu. Beau travail, vous pouvez refermer, je vais aller prévenir sa femme.

     


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