mercredi 3 mars 2021

Shav Sadhana [Nosfé]

 Shav Sadhana [Nosfé]

 

Une vache était allongée en travers de la route. Tous, du cyclomoteur au camion en surcharge, faisaient un écart pour l’éviter. Et le bovidé, apathique, de ruminer, tranquillement, sans bouger.
Du bout des doigts, Jack tourna son volant, et le Land Rover contourna, à son tour, l’animal sacré.
C’était la première fois que le chasseur de divinité venait en Inde. Sa première mission sur une terre aussi pétrie de mysticisme. Cela ne cessait de l’étonner.
Une autre vache, marchant celle-ci. Jack passa à côté, et tripota le bouton de la climatisation. Le soleil au-dehors était brûlant, plus guère tempéré par l’altitude des monts himalayens qu’il venait de quitter, et les vitres teintées ne le filtraient que trop peu.
Ça n’était là que les moindres des modifications qui avaient été apportées au 4x4. Celui-ci n’avait plus guère d’un Land Rover Defender que la carrosserie.
Jack l’avait modifié pour une mission menée en Afrique centrale, l’année précédente. Le nouvel homme fort du pays, qui l’avait engagé, tenait un discours nationaliste, et il voulait s’appuyer sur les anciennes divinités, celles adorées des diverses tribus et ethnies, et que les colons français et belges avaient effacées, écrasées de force à grand coup de christianisation. Il incombait à Jack de retrouver ces dieux oubliés, pour les mettre au service du pouvoir…

lundi 29 juin 2020

Battle Royale [Herr Mad Doktor]

Battle Royale

Il paraît que j’ai fait médecine,
Pourtant la médecine a commencé par me défaire.

Faire médecine, c’est en premier lieu faire violence.

La voie royale menant aux ors du doctorat récompense moins le dévouement que la domination. Tout au long du cursus, et même au-delà, la compétition prime sur la compassion, la performance prévaut sur la compétence, l’ambition écrase la vocation, le prestige oblitère le sacerdoce. Et sous prétexte d’une saine émulation, les professeurs entretiennent la rivalité entre étudiants, dans une ambiance de guerre perpétuelle. Ainsi va le dressage des chiens de combat, dès leur plus jeune âge.

dimanche 28 juin 2020

D'argile de glace et de haine [Maniak]

D'argile, de glace et de haine.



« un jour, le puzzle reconstitué de toutes nos connaissances encore dissociées, nous ouvrira de telles perspectives effroyables de la réalité et de notre terrifiante situation que cette révélation nous rendra fous(...) »
Howard Phillips Lovecraft – L'appel de Cthulhu

« Je ne suis pas un adepte de la théorie du complot mais la mise en rapport de quelques éléments ultérieurs me paraît à même de jeter une lumière nouvelle sur toute l'affaire »
Léo Henry – Waffen SF



Documents trouvés parmi les papiers de feu Arthur Zoegell Lincoln

La découverte des connexions étranges que je relate ici remonte à l’hiver 83 au moment de la mort de mon grand-oncle, Jamin Zoegell, professeur émérite en langues sémitiques à l’université Johns Hopkins.
Mon grand-oncle était originaire de Kaplitz dans le sud de la Bohème. Il avait émigré aux États-Unis en 1945 pour rejoindre sa sœur, ma grand-mère, à Baltimore. Lui et toute sa famille avaient été arrêtés par les nazis et envoyés dans différents camps de travail. Il a été déporté à Mathausen pour découvrir à la libération qu'il était le seul survivant de sa famille, de sorte qu’il m'avait nommé moi, Arthur Zoegell Lincoln, son seul héritier et exécuteur testamentaire.
C'était un homme grand et de constitution robuste. Il semblait n'avoir gardé de la guerre qu'une farouche volonté de vivre et un sentiment aigu de la justice. Et bien qu'il soit parvenu maintenant à un âge que l'on peut sans crainte qualifier de respectable, sa disparition semble soudaine, d'autant plus que les circonstances de sa mort restent encore obscures. Mon grand-oncle avait été comme foudroyé alors qu'il sortait de chez-lui. Il avait le corps « froid comme de la glace », ce qu'affirme en tout cas ce grand asiatique qui a été témoin du drame. L'homme, taillé comme un colosse, avait réussi à lui seul à porter mon oncle jusqu'au docteur le plus proche, qui avait déclaré la mort sans parvenir à y donner une explication, restant lui aussi perplexe par le température du corps. Je me dis rétrospectivement que c'était peut-être à cet instant que mon inquiétude avait débuté, cela explique en tout cas ma quête de réponses.

lundi 4 mai 2020

Le Peut'homme [Nosfé]

Le Peut'homme


La petite troupe évoluait parmi les épicéas.
Ils ahanaient, soufflaient, luttaient contre le dénivelé. Il y en avait cependant toujours un qui trouvait l’énergie suffisante pour lancer une connerie, ou tendre la bouteille de goutte à son voisin.    Alors les faisceaux de leurs lampes se baladaient de manière plus chaotique encore, et éclairaient qui un arbre, qui une boule de granite, qui un chevreuil qui se taillait à grand saut.
« Ouais, gros ! T’y arrives ? »
Le grand barbu en queue de fil s’était retourné, cherchant un autre gars qui aurait dû se trouver derrière lui, mais ne trouvant que la forêt
« Hé, les mecs ! On a perdu Maurice ! »
Les mecs en question rigolèrent un grand coup, ignorant la remarque du barbu. Celui-ci haussa les épaules, et plantant une godasse assurée dans le sol moussu malgré les quelques grammes d’alcool diluées dans son sang, accéléra le rythme pour rattraper le reste de la troupe.
Ils disparurent dans la forêt, et ne purent remarquer, en contrebas, dans la pénombre, le corps inerte de Maurice, adossé à une souche, une coriotte de nylon bleu entortillée autour de son cou.


samedi 24 octobre 2015

La maison silencieuse [Docteur Benway]

La maison se tenait là, devant lui, le dominant de toute son imposante stature, comme un gardien silencieux, endormi comme tous les gens normaux à cette heure avancée de la nuit. Les volets clos, le lierre qui avait envahi la quasi-totalité de la façade, formant comme un camouflage naturel sous lequel l’immense bâtisse se dissimulait, attendant que quelqu’un la réveille…
L’herbe était si haute désormais que les jardins ressemblaient à des champs en friches, à des jungles dangereuses, dans lesquelles çà et là on pouvait trouver de vieux objets, abandonnés par les anciens occupants ; on pouvait à peine entrevoir la balançoire, contre laquelle reposait encore un vélo abimé, rongé par la rouille.

jeudi 8 octobre 2015

Une renaissance [Yoann]

Mars, Olympus Mons, 18 juin 2259


Monsieur P. M. dormait profondément. Il avait laissé les fenêtres de sa chambre grandes ouvertes, espérant ainsi y faire entrer un peu de la fraicheur nocturne. Voilà maintenant trois semaines que la canicule s’était abattue sur les plaines et plateaux désolés de la planète rouge.
Le Soleil était entré dans un nouveau cycle de turbulences, et la majorité de l’énergie produite par les Centrales Nucléaires Individuelles était redirigée vers les boucliers-écrans protégeant les habitations, écartant la multitude de rayonnements mortels en provenance de l’étoile. Tout cela au détriment des régulateurs atmosphériques qui avaient tendance à surchauffer. Aussi, malgré l’air froid et sec de Mars régnant autour des impalpables champs de force, la température frôlait régulièrement les quarante degrés à l’intérieur des quasi-dômes d’habitations.

Les Rêves Assassins [Nosfé]

Il était debout, tendu, chancelant, tenait la bombe aérosol à bout de bras, face à lui. Bloquant sa respiration, il fit pression sur la fine gâchette de plastique.
La buse du diffuseur cracha son nuage irritant. Les gouttelettes de gaz poivre lui sautèrent au visage.
Il cria, recula d'instinct, jetant au sol la cartouche d'autodéfense. Tout son visage le brûlait, mais le pire était pour ses yeux, comme dévorés par la capsaïcine, plaies béantes arrosées de sel. Il resta de longues minutes à pleurer, renifler, à frotter sa cornée meurtrie. A tenter d'atténuer, d'une manière ou d'une autre, cette douleur qu'il s'était lui-même infligé.
Le moindre battement de paupière ravivait le feu. Il ne pouvait plus cligner des yeux sans que la sensation de brûlure ne revienne. Hors de question alors de les fermer et de se laisser envahir par le sommeil. Hors de question de dormir.
Il avait gagné quelques heures.